27 janvier 2013

THE SOLDIER-STUDENT : le journal des étudiants soldats américains de la guerre de 1914-18 à Montpellier en 1919

THE SOLDIER-STUDENT
The official organ of the American students at the University of Montpellier
The SOLDIER-STUDENT, the American students at the University of Montpellier

Mon petit post sur THE MISTRAL, le mémorial des Etudiants-Soldats américains de Montpellier en 1919 a attiré l'attention.  Le Clapassier de New-York (amistats !!) me signale que la Bibliothèque de Virginie vient de recevoir une collection de l'hebdomadaire.
C'est l'occasion d'en faire, non une analyse, mais une petite description. 

THE SOLDIER-STUDENT
The official organ of the American students at the University of Montpellier

Le N°1 paraît le 22 mars 1919. 
Le N° 15 et dernier le 30 juin 1919.
Le format est celui du Petit Méridional, c'est à dire de tous les quotidiens de l'époque : 60 x 45 cm. 
Et c'est bien naturel, puisque THE SOLDIER-STUDENT est une annexe du PETIT MERIDIONAL journal républicain quotidien. 
2 pages en français (pour le N°1), écrits par les journalistes habituels du journal, mais avec des articles spécialement choisis pour leurs rapports avec les Etats-Unis et les soldats américains. 
Au verso, 2 pages en anglais écrites par les rédacteurs du Soldier-Student. Au fil du temps, les pages françaises vont disparaître et les 4 pages seront exclusivement assumées par les "journalistes" américains. 
Le siège du journal est au Petit Lycée, dans le quartier Boutonnet-Pierre-Rouge.

Le PETIT MERIDIONAL, support de THE SOLDIER-STUDENT

Comme je le disais, Pas question de faire une belle analyse de ce journal.
Je vais plus agréablement me laisser porter par le fil des numéros, et me raccrocher, de temps en temps à quelques articles qui auront retenu mon attention. Mes très très grandes insuffisances en anglais expliqueront mes très très grands oublis.
L'édito du N°1 remercie bien sûr le Colonel BLAQUIERE, directeur du Petit Méridional, qui, malgré les difficultés dues au rationnement, accueille le journal. 
Les initiateurs du projet sont : Captain SHERLEY W. MORGAN, Inf., Commanding officer ; 
Captain R.S. McBAIN, Q.M.C., Bussines Manager ; 
2nd Lt Laurence JONES, A.C. D., managing Editor, puis Editor-in-chief.
Ce staf sera complété dès le N°2 par :  Norman C. Preston, managing Editor ; 
John D. Little, City Editor ; 
B.M. Crosby, Excursions ; 
Thes. H. Jewet, Society-Tennis ; 
O.K. Lundeberg, Drama and music ; 
Paul Miller, Athletics ; 
J.H. Schmidt, Personal Glimpses; 
W.H. Spicer, Landmarks ; 
William Goldberg, McBleilan Butt , Jas. A. Henderson, Emeit Kekich, Frederick Seward, Specials ; 
R.C. Wright , Linotype.

Dès le début, le journal reçoit pas mal de publicité de commerçants ou professionels montpelliérains. Ces réclames sont traduites en anglais. Mais souvent, on va plus loin qu'une simple traduction. On rédige des annonces qui ciblent spécialement nos petits soldats.
Pour s'amuser un peu, remarquons ci dessous la publicité du Docteur MALDÈS, spécialiste des maladies sexuelles, de moins en moins secrètes dans les villes de garnison, et dont l'annonce augmentera de surface (les affaires marchent!) au fil des numéros. Et celle du magasin A LA FRANÇAISE qui s'embrouille un peu entre les produits français qui sont sa raison de vivre et ceux importés, pour ne vexer personne. 

Publicités montpelliéraines pour soldats américains

Dès le N°2, le journal s'enrichit de dessins, comme celui-ci où un Soldier-Student qui ressemble étrangement au Savant Cosinus de Christophe, arpente les rues médiévales de Montpellier, le guide "PARLONS FRANÇAIS" à la main.

Parlons Français
Ce numéro donne déjà le ton : Danse, musique et sport. Plus de la moitié des articles leur sont consacrés : Montpellier Baseball Devotees ; Dancing features teas ; Dance committee ; Tennis holds... ; Music notes ; Jazz Band to syncopate its way to Harmony ... 

Mais on y apprend surtout que les Soldier-Students sont devenus un des enjeux de la vie politique locale. Nous savons que le journal est édité et accueilli par LE PETIT MERIDIONAL, journal laïc sinon athée, républicain et largement franc-maçon. Or, voici que s'étale à la une le compte rendu des fêtes données en l'honneur des étudiants américains par L'ECLAIR, qui est un journal de droite, catholique et ouvertement monarchiste. Ils y sont reçus par les très aristocrates F. de Baichis, A. de Vichet qui, sous les drapeaux enlacés des deux Républiques (!) leur offrent "champagne in hospitable abundance". 
Nos petits yankees sont-ils fédérateurs ou émulateurs?  
En tout cas, leur convivialité américaine transcende les clivages locaux.
Dès le N°3, les catholiques en remettent une couche dans la séduction. Et quelle couche! C'est le Cardinal de Cabrières lui-même, le plus romain des cardinaux français, et engagé de tous le poids de ses 89 ans dans le combat politique catholique qui ouvre aux Américains la Cathédrale de Montpellier (comme il l'avait fait avec les mêmes intentions aux viticulteurs révoltés de 1907). Et, toutes religions confondues, alors que nous saurons plus tard qu'il n'y a parmi eux que 63 Catholiques, 600 Américains se pressent dans la cathédrale pour écouter successivement les grandes orgues et son Excellence le Cardinal.
Dans ce même numéro, nous lisons que le Président de la République Poincaré a reçu The Soldier-Student, que la salle d'escrime de Jean-Louis ne désemplit pas, sauf peut-être pendant une excursion au Pont-du-Gard.

Le 4e numéro nous apporte un élément capital : LA STATISTIQUE DETAILLEE DE CETTE ARMEE AMERICANO-MONTPELLIERAINE.
Le titre de l'article souligne leur variété : "Rich man, poor man, sergeant, buck, doctors, lawyers, men from all states, save Arizona, Delaware, Nevada and Vermont."
Les 559 Soldier-Students comptent 1/4 d'officiers, 4 musiciens et 2 cuisiniers.
Ce sont surtout des fantassins, mais le nombre de membres du corps médical est considérable : 94 auquels il faudrait peut-être ajouter le dentiste et le vétérinaire.
64 viennent de l'Etat de New-York, 27 de la ville de New-York, mais seulement 3 de Louisiane, et 6 de la ville de Saint-Louis.
Leurs universités sont multiples et variées, leurs grades universitaires aussi.
Seulement 63, nous l'avons vu, se disent Catholiques, 207 Protestants, 15 sont Juifs, et 1 se réclame d'une mystérieuse "Ethical Culture". Le reste se répartissant entre 12 Eglises réformées.
Aucun ne se déclare athée.

Statistique ses Soldier -Students américains à Montpelli
Mais l'article nous apprend un détail fort important pour qui voudrait mettre l'accent sur les rapports Franco-Américains : 285 habitent chez des familles française, contre seulement 189 qui vivent au Petit Lycée, et 68 à l'hôtel. Seulement 7 d'entre eux ont pu (ou voulu) louer un appartement. Donc, plus de la moitié partage le quotidien des familles françaises.


Le petit bonhomme qui sert de logo à la chronique hebdo de RIGOLO, sortant de la boulangerie avec sa baguette de pain sous le bras, est-il Américain ou Français? Dieu seul le sait.

Et puis, les numéros se suivent. Le dessin tient un peu plus de place. Le sport aussi.
On remarque que les cimémas montpelliérains, Pathé et Athénée,  font des efforts de programmation : on projette le très français Monte-Cristo en compagnie des comédies américaines The Little Sister ou His Heritage.
A partir du mois d'avril, on prépare la FETE DES MERES (THE MOTHERS DAY) . Ce sera  l'occasion pour les Français de découvrir cette fête que les USA célèbrent depuis 1908 et qui n'existera en France qu'à partir de 1929. 


Mais ce mois d'avril est surtout marqué par une initiative du COMITE DES FRENCH HOMES.
Les membres de ce Comité sont assez largement protestants : Kuhnholtz-Lordat, Albert Leenhardt, Pasteur Castelnau, Victor Frat (un ami de Frédéric Bazille). Mais des catholiques marqués comme M. de Salinelles y trouvent leur place, et les universitaires Jules Valéry (le frère de Paul) en tête y siègent ès-qualité. 
Leur but : tisser des liens entre Américains et autochtones
Leur moyen : faire inviter par les (bonnes) familles montpelliéraines des jeunes Américains à partager leurs repas
Leur espoir : que les préventions contre ces intrus s'estompent, qu'on cesse de les considérer comme des sauvages ou des grands enfants. Et que, de retour chez eux, ces futurs dirigeants gardent de la France un souvenir agréable lorsqu'il sera question d'aider financièrement le vieux continent. 
La rédaction du petit bulletin d'engagement distribué par le Comité est un petit chef-d'œuvre de réthorique : glisser sur les méfiances françaises, demander de l'aide dignement... Un morceau à lire. 

L'approche de la Fête des Mères, si importante pour ces jeunes hommes éloignés de leur famille sera un moment fort pour ce rapprochement.

FRENCH HOMES, pour recevoir un soldat Américain chez soi.
Chaque jeune américain aura une mère française, une mère d'un jour. Le "milieu émotif" méridional allie ainsi "réjouissance" et "pensée".

Un numéro spécial sera consacré à ces émouvantes rencontres. Et nos petits soldats trouvent que la mère française est plus une "femme au foyer" que l'américaine. Est-ce un bien, est-ce un mal ? The first thing one notices about the French mother is her devotion to her menage. She is much more occupied witch the children than the modern American mother, and be it to her adventage or disadveantage...

MOTHER DAY à Montpellier en 1919
Mais, en marge de cette fête, la vie quotidienne continue.
On va en excursion visiter Nîmes, Carcassonne, Aigues-Mortes, Avignon, Arles (où on découvre les traces de FREDERIC MISTRAL... et du Mistral, qui donnera son nom à l'album mémorial que j'ai déjà présenté). A Sète, la visite des usines DUBONNET et NOILLY PRAT empêche les excursionnistes de grimper au sommet de Saint Clair. Mohammed (c'est l'appelation locale du soleil) achève de convaincre les plus valeureux de rester tranquilles sur les quais.
On visite le Musée FABRE, où le peintre qui retient le plus d'attention est Alexandre Cabanel.
On va encore au cinéma, où il y a de plus en plus de films américains — bien que la langue ne soit pas un obstacle, les films étant muets. Shoulder ARMS (Charlot soldat) de CHARLIE CHAPLIN remplit les salles. Il est vrai que l'entrée est gratuite pour tout Soldier-Student accompagné de two French Friends.
On joue du jazz à tous les thés dansants, on lit la Bible.
Le PEYROU MASONIC CLUB est fondé, qui organise un grand banquet au Grand Hôtel de Midi, tout comme les PHI BETA KAPPA organisations, ces clubs d'élite des universités américaines.
On découvre aussi les affaires du FLEA MARKET, le marché aux puces qui se tient tous les dimanches autour du marché, en bas du boulevard Jeu de Paume.
Bref, choses et idées s'échangent, se vendent, se donnent, se refusent, comme ces fameuses cigarettes qui font rêver les petits français de 7 à 77 ans.

LES CIGARETTES AMERICAINES
Dès le mois de mai, les visites à PALAVAS BEACH s'intensifient.






On justifie un peu la consommation du vin local : celui-ci ne naît-il pas de la tendre union des vignes américaines et françaises



Nos petits soldats commencent à se débrouiller un peu en français. Nous avons vu qu'ils savent bien que Mahommet est le soleil. Comment faire, sans ça, pour expliquer les choses aux demoiselles , "Non, Mademoiselle, le A.E.F. blues n'est pas le nom de mon régiment, ça veut dire : le cafard du Corps Expéditionnaire Américain".
Et ce cafard, qui noircit d'autant plus que l'heure de la démobilisation approche, il faut bien le soigner.
On monte alors ses propres spectacles qui empruntent un peu de leur vocabulaire à l'argot, ou du moins au parler populaire local.
La "revue" (spectacle de vaudeville) JE M'EN FICHE est un cadeau d'adieu à la population locale. Le 3ème acte a pour titre : "July 5, 1919" : c'est la date annoncée du grand départ pour l'Amérique. 
La représentation, devant plus de 1000 spectateurs, est un succès.
Elle sera reprise à Grenoble. 

JE M'EN FICHE, revue des Solier-Students de Montpellier
Les divers slogans publicitaires sont en français, mais s'adressent bien sûr à nos petits soldats américains : 
Est-ce que tu t'ennuies?
Ça ne va-t-il point?
As-tu la grosse bête noire?
Tu t'embêtes à mourir?
Veux-tu rigoler?
Veux-tu te tordre? Chasser le Cafard?
Tuer le flegme? 
On voit bien l'état d'esprit des troupes américaines en voie de démobilisation. 

A partir du début juin, le retour au pays obsède tout le monde. Un peu de regret, beaucoup de joie.
Le coeur entre deux pays, entre deux amours : un dessin dit tout !


UN AMOUR DANS CHAQUE PAYS

Avant de partir, on s'inquiète de l'image laissée derrière soi. Un vaillant reporter part s'adresser à la population : "Dites, Monsieur, que pensez-vous des Américains?" (En fait, il sonde plus de demoiselles que de messieurs).
Les résultats sont assez désespérants pour les pourfendeurs d'ethnotypes, et pour le Comité French Homes qui voulait combattre les préjugés réciproques.
En gros, les sondés pensent :
- Que les Américains sont plus sportifs que les français (ça, c'est une demoiselle qui le dit) : it is better
- Qu'"ils sont tellement mignons dans leurs chemises" (en français dans le texte).
- Qu'ils ont "a wonderful organization" .
- Qu'ils sont des "great Kidders". 
- Que "They say Je t'aime , but they mean other chose". 
- Qu'ils raffolent de gateaux et de sucreries (les familles ayant reçu des soldats sont toutes étonnées de ce goût pour le sucre, encore très exotique pour elles).
Le mot de la fin, plein de philosophie, est laissé à une young lady :
You are very much like the french. You have the same esprit, the same happy-go-lucky way of going at things. Then when you find you are wrong you are willing to admit it and turn around and go the other way. 
You work intensely and after work, you play intensely. ... 


QUE PENSEZ-VOUS DES AMERICAINS?

Que dire de ça ? Que les opinions du Café du Commerce ne sont ni meilleures ni pires que d'autres.
Et terminons ce sujet par un des vers "Aux Américains" signés M.T.
"Nous nous connaissons mieux depuis le poignant drame"... 
Il suffit de le croire.

Le dernier numéro, daté du 30 juin 1919 nous informe que les Soldier-Students prendront définitivement le train le 30 juin à 8 heures du matin.
DERNIER NUMERO: LES SOLDIER-STUDENTS REGAGNENT LES USA
VOICI L'ARTICLE QUE L'UNIVERSITE DE VIRGINIE CONSACRE A L'AQUISITION D'UN EXEMPLAIRE DE CETTE COLLECTION : ( http://www.lva.virginia.gov/news/broadside/2012-Winter.pdf --)



The Library of Virginia recently received a fascinating collection of World War I–era student newspapers that sheds light on the activities of American soldiers in France immediately following the war. Author and historian Jon Kukla, who purchased the papers at a Virginia auction a few years ago, donated the collection to the Library for historic preservation and research.
Kukla, author of Mr. Jefferson’s Women and A Wilderness So Immense, has served as director of historical research and publishing at the Library of Virginia, curator of collections and director of the Historic New Orleans Collection, and executive director of the Patrick Henry Memorial Foundation.
The Soldier-Student, a weekly newspaper produced in Montpelier, France, by the group known as the “American Students at the University of Montpelier,” was the first periodical published by American students abroad in France. Students attended a program sponsored
by the American Expeditionary Forces (AEF) and the YMCA designed to enroll soldiers
at British and French universities following the end of hostilities in Europe. Nearly 600 enlisted men were stationed under the American Schools Detachment (ASD) at universities in Bordeaux, Toulouse, and Poitiers.

Published with the cooperation of the French newspaper Le Petit Méridional, the Soldier- Student appeared on two pages of that newspaper for the duration of its publication, from March 22 through June 30, 1919. It reported on a variety of topics of concern to the American student population such as information on local sights and cultural events as well as on the students’ local activities—a priority because most AEF papers were sent home to families, American universities, and other stateside papers. The last issues focused extensively on a show called the American Revue, organized and performed by the soldier-students within Montpelier to raise funds for a charity benefiting wounded French veterans. The show received rave reviews and successfully raised a substantial sum for the charity.
Many of the papers are signed with the name Sgt. G. W. Martin, Hotel du Palais, who attended the University of Montpelier under the ASD plan, though he was not involved in the publication of the newspaper. Following his service in World War I and time at the University of Montpelier, George Williams Martin returned to live in Lynchburg, Virginia.








26 janvier 2013

SOLDATS ETUDIANTS AMERICAINS à MONTPELLIER en 1919 : THE MISTRAL , The American Soldier-Student

THE MISTRAL : Souvenir des SOLDATS ETUDIANTS AMERICAINS à MONTPELLIER en 1919


THE MISTRAL
A Year-book
Published by the AMERICAN STUDENTS,
University of Montpellier
from March to June 1919

100 pages, in 4° sous reliure d'éditeur percaline bleue. 


Il s'agit du journal des Forces Expéditionnaires américaines (A.E.F.) , basées à Montpellier et hébergées dans les locaux du Petit Lycée (au faubourg Boutonnet) et qui éditent par ailleurs THE STUDENT-SOLDIER en 1919.
Ces soldats - étudiants sont environ 500 : la liste de leur nom, avec leur ville d'origine tient 11 pages. 

THE MISTRAL : Souvenir des SOLDATS ETUDIANTS AMERICAINS à MONTPELLIER en 1919

L'ambigüité du titre est d'emblée évidente. La première page présente au verso le poème de Frédéric Mistral (en occitan) Au Miejour. Mais au verso du même feuillet, un texte commence ainsi : "The Mistral ! the very winds of Provence and Languedoc have lyrical names." Suit un jeu de mot sur le monde venteux (windswept world) auquel les troubadours se sont opposés, sur les terrasses ventées de leurs châteaux perchés.
En fait, les deux patronages du vent et du poètes sont réunis dans l'invocation du titre, "singing in the soul of a brave, poetical ang generous people".

Mon exemplaire est largement dédicacé à  Madame Kühnholt-Lordat par plusieurs de ces soldats, commandant Sherley W. Morgan en tête.  Ce dernier, de la classe 1913, semble par la suite être devenu un brillant architecte, et bienfaiteur de l'Université de Princeton.
Dédicace à Mme KUHNHOLTZ-LORDAT

Les étudiants-soldats américains qui ont quitté le front après le 11 novembre ont été envoyés dans des villes universitaires en France et en Angleterre.

L'Ours du MISTRAL

Le comité montpelliérain chargé de la réception de ces militaires est présidé par S. Kuhnholtz-Lordat, et on y retrouve des gens comme Albert Leenhardt, Jules Valéry (le frère de Paul) et autres universitaires.


PETITE ANALYSE DU CONTENU :

Divers articles d'histoire locale à l'usage des jeunes touristes que sont devenus nos petits soldats.
Des excursions culturelles se dirigent vers Carcassonne, Nîmes Aigues-Mortes  et Arles.
Il s'agit toujours d'intégrer au mieux ces centaines de militaires : for bringing the American soldier into contact with the French people.  
La culture, l'histoire, les réceptions officielles semblent de bons moyens d'intégration. Tout le monde est mis à contribution.

Le 6 avril, c'est le Cardinal de Cabrières qui s'y colle, à la cathédrale, et le 27 mars le journal L'Eclair.
 
Bienvenue aux Américains. Réception à L'Eclair de Montpellier

Mais ce qui marche le mieux, et de très loin, c'est la rencontre avec les jeunes montpelliéraines.
Le bal à l'Hôtel Métropole  est une réussite totale. "This was a 'tout à fait' American dance in a French sitting". "Our Jazz band" est irrésistible et "many beautiful 'demoiselles' se sont mises au rag time " in the arms of their American cavaliers".
Dommage collatéral :   "Even Professor Grammont was seen to essay a few steps of a rollicking fox-trot in the obscurity..."
En fait, tous ces joyeux drilles se sentent "missionaries of the American Jazz"

Photo de l'orchestre avec trompettiste noir :  

Au début, on manque d'instruments  On en trouve à Nîmes et Pari, et tout s'arrange. 
The University JAZZ ORCHESTREA  : "The music was an amusing  novelty to the French people "

Le même Jazz band servira à la célébration, le 11 mai,  de la Fête des mères "in true American style".

Autre moyen de fraternisation : LE SPORT .

Le Champ de manoeuvres, terrain d'entrainement militaire et sportif est mis à leur disposition. Ils jouent, avec les français, au tennis et au basket. Ils découvrent ce jeu étrange, le football, une curiosité locale. Mais le vrai sport, le seul qui aie de vraies compétitions organisées, c'est le baseball. En 3 mois, un vrai championnat est disputé avec Hyères, Cannes, Marseille, Miramas, Bordeaux et Lyon, où il y a aussi des garnisons américaines.

Sociétés de convivialité masculines :
Les traditions estudiantines américaines sont recrées dans l'exil.  Une section du PHI BETA KAPPA créé en 1776 à l'Université de Virginie est créée à Montpellier.

Et,  dans la foulée : le PEYROU MASONIC CLUB  loge maçonnique fondée par le frère James W. Richey. C'est un triomphe puisque  12% des ASD y adhèrent. Ils reçoivent les franc-maçons locaux :  Mr M. Darsac, vénérable de la loge Justice Liberté en tête.
Loge maçonnique des soldats américains à Montpellier : le PEYROU MASONIC CLUB.
Début de la liste des franc-maçons des étudiants soldats américains

Moins sérieusement, il y a même des SECRET SOCIETIES ABOUT TOWN  composées à la fois d'étudiants français et américains : les "SANS SOUCI ", sportifs qui se réunissent au Café de France  et les "CHASSEURS DE CHATS" armés de cannes qui à minuit chassent le trop-plein des chats de la ville.
Sociétés secrètes estudiantines franco-américaines
Toujours dans le style humour potache, il faut lire le Petit catéchisme de conversation :"No, I am not married, not have I a fiancée".
"Yes, chewing gum is only to chew and not to be swallowed. Yes, 'c'est droll.'

ou les petites blagues désopilantes, style : 
La vieille fille : Ciel! La guerre est finie, et je n'ai pas encore épousé un  Américain [en français dans le texte].
 Et, pour finir, les questions existentielles de la vie quotidienne en civilisation indigène :






Chaptal, Tandon, un Cerf-Volant, Napoléon, un Ministre de l'Intérieur aimable : Fable occitane pour célébrer l'Empire naissant

Lou CERVOULAN, fabla. 
A Soun Eccélénça Mounségnur CHAPTAL, Ministre dé l'Intériur par Auguste TANDON. 
Avec la RÉPONSE MANUSCRITE du Ministre. 


Une lettre de Ministre de l'Intérieur en 1804

Nous avons déjà rencontré CHAPTAL et son CATECHISME DU BON CITOYEN.
Nous avons aussi rencontré Auguste TANDON et son francitan corrigé à propos de MISTRAL.
Il est temps de les réunir.
Le Senatus-Consulte du 18 mai 1804 clot l'ère révolutionaire (sous sa forme "Consulat") en proclamant NAPOLEON 1er Empereur des Français. Le plébiscite du 6 novembre ratifiera a postériori l'Empire, et le sacre aura lieu le 2 décembre.

Le 3 Messidor (22 juin), Chaptal, Ministre de l'Intérieur, remercie Auguste TANDON de son poème LOU CERVOULAN que celui-ci lui a dédié et envoyé.
Ce poème est une apologie de l'Empire.

Etonnons-nous
Le Senatus-Consulte est du 18 MAI. Sa proclamation à Montpellier a dû se faire, au plus tôt le 20 mai, si on tient compte du télégraphe optique, les détails écrits sont, eux, parvenus à Montpellier autour du 25 mai.
Tandon se met aussitôt à écrire sa fable. Il la fait ensuite imprimer (composition, correction, tirage...). Il semble impossible que l'envoi au Ministre ait pu se faire avant le tout début juin. 8 jours pour arriver à Paris. Les bureaux du Ministre reçoivent le poème vers le 10 juin.
Or, voici un Ministre de l'Intérieur, en pleine réorganisation du pays, dans ces temps de bouleversements politiques, alors que les réseaux républicains d'une part, royalistes de l'autre, risquent de s'insurger contre l'Empire. On s'imagine qu'il a autre chose à faire qu'à lire des poésies. C'est pourtant ce qu'il fait, sa réponse part un mois à peine après le "coup d'Etat" du 18 mai.
Rapidité éclairante sur l'accueil enthousiaste de certaines classes de la population à l'Empire. 

Contre toute logique, je vais commencer par présenter la réponse du Ministre.
La suscription est :

A Monsieur Aug.te Tandon, négociant, Montpellier, Dept de l'Hérault.
Un cachet imitant un manuscrit, sert de "franchise postale" : M.tre de l'intérieur.

Voici la transcription du texte :


Lettre de CHAPTAL à Auguste TANDON


Paris, le 3 messidor an 12 de la République française (22 juin 1804)
Le Ministre de l'Intérieur

A Monsieur Aug. Tandon

J'avais lu avec un grand plaisir, mon cher compatriote, le recueil de vos poésies, j'ai trouvé un intérêt de plus dans la fable que vous avez bien voulu me dédier.
Le sujet que vous avez traité innove avec (? + un mot illisible pour moi) et je désire qu'on puisse m'appliquer la morale de votre fable.

Je n'ai pas perdu de vue la demande que vous avez formée pour votre ainé, vous pouvez vous en reposer sur le désir que j'ai de vous prouver que je n'ai oublié ni les titres de votre famille ni l'amitié qu'elle a toujours eue pour moi

recevez l'expression de tous mes sentiments
Chaptal

Je n'ai aucune idée de ce que demandait Auguste Tandon pour son fils.
Mais ce qui frappe, c'est la personnalisation de la réponse.
Deux vieux amis montpelliérains s'écrivent avec une certaine liberté. 


Mais jetons un oeil sur la fable tandonesque.
1 feuille, 4 pages format quarto (23 x 18 cm).
La feuille est à toutes marges.
La typographie se veut de belle qualité, le texte est dans un cadre "Empire", tout au moins néo-classique.
Mais la hâte d'impression se ressent justement dans l'imposition du texte. C'est à peine si la 4e page n'est pas rognée par le pliage.
Cette impression n'est pas signée, contrairement à la loi, l'imprimeur ne s'est pas dénoncé (que fait la police, et le Ministre de l'Intérieur?).

La dédicace de Tandon rompt radicalement avec les usages de la Révolution. Un ou deux ans avant, il aurait dit : Citoyen Ministre... Aujourd'hui, c'est Son Excellence Monseigneur Chaptal.


Le sujet est assez bizarre. Deux enfants veulent faire voler un cerf-volant. D'abord, ils l'attachent avec une corde (jounquina). C'est trop lourd, trop contraignant, ça ne vole pas.
On a beau faire mila éspériénças, rien ne réussit. Du coup, le garçon intrava dins dé vièoulénças.
Ensuite, ils essaient un fil (fîou). Anèt bé (qu'on pourrait traduire par : Ça ira!). En fait, ça va pas si bien : le papier s'étripe, on s'énerve : Anava dins sa coulèra / Chaplâ tout... Bref, c'est une stérile anarchie.
Enfin, le Père vint ! Il attache le cerf-volant avec une ficèla. Ni trop ni trop peu de liberté. Du coup, Anava divinamén.
La morale de l'histoire (ou de l'Histoire?) : ce cerf-volant, ce sont les FRANCÉZES. Sous l'Ancien Régime, ils étaient trop éncadénas. Puis, ils ont essayé la licénça. Alors, Tout éncara és anat pire.
Heureusement, Ara qu'avèn l'AMPIRE ... / És décidat qu'anarén / Couma toun Cervoulan, BÉN.
Notons l'emploi du futur : l'AMPIRE n'a que 2 jours.



Sur la langue, nous sommes bien dans un occitan montpelliérain.
Quand à l'orthographe? Disons seulement que la graphie des diphtongues demande au lecteur un coeur bien accroché. Comment en effet ne pas se rompre le cou en essayant de lire : fâouïè , âouïo ... 

Tandon sera emprisonné après les 100 jours. 

14 janvier 2013

Un gros cabinet de lecture à Montpellier : Gabon, libraire en 1822. Les surprises d'un catalogue de 10 000 volumes



CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822

CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE de GABON et Cie LIBRAIRES, Grand'Rue, n° 321 et 322, à MONTPELLIER. 
1822 - (Imprimerie de Jean Martel le jeune). 
90 pages - In 4° - 2767 titres (très souvent en plusieurs volumes). 

Je présente aujourd'hui quelques surprises ou notices amusantes tirées de ce catalogue .
Il ne convient pas de dire que cette liste reflète la lecture à Montpellier pendant la Restauration. Bien des bibliothèques, privées ou publiques, constituées à la même époque, montreraient le contraire.
Il s'agit de ce qui se lit dans le cadre d'un cabinet de lecture et de prêt de livres.
La catégorie des romans y est sur-représentée.  Je n'ai pas fait de statistique, mais disons que les 3/3 des livres prêtés sont des romans.
La surprise, c'est que les 90% au moins de ces romans n'ont laissé aucune trace dans la mémoire littéraire.
Paradoxalement, les plus connus sont les étrangers, allemands comme Goethe, mais surtout anglais : Fielding, Scott, Sterne, et tant d'autres. L'anglomanie de la Restauration n'est pas une légende.
Chez les français contemporains, c'est à peine si on aperçoit Lamartine ou Charles Nodier, écrasés par Chateaubriand qui joue, il est vrai sur tous les tableaux.
Les classiques français sont réduits a minima.  Mais les philosophes sont là : Montesquieu, Rousseau, Voltaire, Diderot, Condorcet ont là leurs oeuvres complètes, tout comme Nicolas Restif de La Bretonne.
Les récits de voyage sont la seconde catégorie en nombre.
A noter enfin un petit lot, mais très significatif, d'histoire contemporaine : toute une littérature napoléonienne ou au contraire anti-buonapartiste, et des apologies des Bourbons
Quelques almanachs, quelques livres techniques, par exemple de stratégie militaire complètent la collection. 
Notons l'absence TOTALE de toute publication régionale ou régionaliste. Rien sur l'histoire de Montpellier ou du Languedoc (alors qu'il en paraît alors à foison). Aucune trace de littérature occitane. Ni Goudouli, ni l'abbé Fabre, et, a fortiori, aucun autre écrivain de langue d'oc, fussent-ils montpelliérains comme Tandon.
Aucun livre religieux non plus. Pas même une Bible.
CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822

Finalement, la plus grosse surprise, dans cette France de la réaction catholique et de l'ordre moral, c'est la présence de 2 romans de SADELa Marquise de Ganges, en 2 volumes , et surtout les 8 tomes illustrés de  "Aline et Valcour, ou Le roman philosophique écrit à la Bastille un an avant la révolution de France par le marquis de Sade. "

Mais voici quelques PERLES et SURPRISES cueillies au fil des pages .
Je cite tel que, sans commentaires.
Il y a souvent des sourires,parfois même des rires à lire ces listes. 
CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822


TITRES BIZARRES : en fait, c'est l'époque du sous-titre roi, c'est là où s'exhibe l'esprit de l'auteur ou le sens commercial de l'éditeur.  Certains sont de véritables devinettes.
74 - L'Américain, ou l'homme comme il n'est pas.
129 - Les aventures d'un homme extraordinaire, ou les femmes comme il y en a beaucoup. 2 vol.
183 - Caroline, ou le danger de nommer les choses par leur vrai nom. 3 vol.
246 - Clémence de Sorlieu ou l'homme sans caractère.
299 - La courtisane amoureuse et vierge. 2 vol.
309 - Le danger d'aimer un étranger . 4 vol.
337 - Les deux Eugènes, ou dix-sept pères pour un enfant. 3 vol.
417 - L'Enfant du trou du souffleur.
502 - Les folies de ce temps-là, ou le 33e siècle. 2 vol.
544 - Le grelot, ou Les etc. Ouvrage dédié à moi.
696 - Juanna et Tiranna, ou Laquelle est ma femme ? 4 vol.
790 - Le Mari coupable, ou L'Habitant des tombeaux. 2 vol.
797 - La marmotte philosophe, ou La philosophie en domino. Par Fanny de Beauharnais.
863 - Monsieur Ménard, ou l'Holle comme il y en a peu. 3 vol.
864 - Monsieur de La Poulinière, ou l'Homme comme il y en a tant. 3 vol.
960- Le Perroquet, roman anglais-français-allemand et qui n'est d'aucune langue. 4 vol.
1164 - La Tour infernale 3 vol.
1169 - Trois B*** , ou aventures d'un boiteux, d'un borgne et d'un bossu. 4 vol;
1168 - Vice et vertu 4 vol. (sorry, private joke)
1225 - Voyage autour de ma bbliothèque roman bibliographique. 3 vol. par Caillot
1278 - Zuloé ou La religieuse reine, épouse et mère sans être coupable . 3 vol.
1326 - Berthe ou le pet mémorable, anecdote du 19e siècle. 
2348 - Le fruit défendu, ou L'histoire d'un abbé.
2594 - Honny soit qui mal y pense, ou Histoires des filles célèbres du 18e siècle. 3 vol.
2620 - Le fut-il, le fut-il pas? ou Julie et Charles, suite et conclusion de l'égoïsme. 2 vol.
2719 - Résurrection d'Atala, et son voyage à Paris. 2 vol.
2735 - Séraphine, ou Le républicain royaliste. 2 vol.
2761 - Voyage au centre de la terre, ou Aventures de Clairancy et de ses compagnons dans le Spitzberg, au Pôle Nord et dans les pays inconnus. 3 vol. 


UN GOUT POUR L'EXOTISME ou quand le racisme ambiant cède le pas à la curiosité :
24 - Adonis, ou le bon nègre, anecdote coloniale.
99 - Antar, roman bédouin. 3 vol.
110 - Arnold et la belle Musulmane. 2 vol. 
274 - Les charmantes leçons d'Horam, dfils d'Asmar, trad. du Persan. 3 vol.
300 - Le cousin de Mahomet
698-Le juif bienfaisant . 3 vol.
874- La Mulâtre comme il y a beaucoup de blanches. 2 vol.
1276 - Zoflora, ou la bonne négresse. 2 vol.
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NAPOLÉON, POUR OU CONTRE :
52 - Quelques scènes de la Campagne de Russie, anonyme, 2 vol.
84 - Amours et aventures de Barras ... avec mesdames Josephine de B* (future impératrice), Tallien, etc... 3 vol.
88 - Amours secrètes de Napoléon Buonaparte et de ses quatre frères. 6 vol. 
796 - Marie ou les peines de l'amour. Par louis Buonaparte. 3 vol.
883 - Napoléon et Louise, ou le mariage du héros. 2 vol.
1310- Buonaparte, sa famille et sa cour. Anecdotes secrètes par un chambellan forcé de l'être. 1816. 2 vol.
1324 - Cinq mois de l'histoire de France ou fin de la vie politique de Napoléon. 1815.
1347 - Correspondance inédite, officielle et confidentielle de Napoléon avec les cours étrangères... 1819. 5 vol.
1344 - Buonaparte et sa famille, ou confidences d'un de leurs anciens amis. 2 vol. 
1518 - L'Europe tourmentée par la révolution en France, ébranlée par 18 années de promenades meurtrières de Napoléon Buonaparte. 1815. 2 vol.
1565 - Histoire amoureuse de Napoléon Bonaparte . 1817 . 2 vol.
1574 - Histoire de Bonaparte, depuis sa naissance jusqu'à son départ pour la bataille de Waterloo. 5 vol.
1612 - Histoire de Napoléon Bonaparte depuis ses premières campagnes jusqu'à son exil à l'île de Saint-Hélène. 1815.
1666 - Histoire secrète du cabinet de Napoléon Buonaparte et de la Cour de Saint-Cloud. 1814. 2 vol.
1687 - Itinéraire de Buonaparte de l'île d'Elbe à l'île de Sainte-Hélène. 1816.
1698 - Jugement impartial sur Napoléon. 1820.
1761 - Manuel des braves ou victoires des armées françaises en Allemagne, en Espagne, en Russie, en France, en Hollande, en Belgique, en Italie, en Egypte... par plusieurs militaires. 1817. 6 vol.
1819 - Mémoires et correspondances de l'Impératrice Joséphine. 1820. 
1856 - Mémoires secrets sur Buonaparte. 1814. 2 vol.
1873 - Le Moniteur secret, ou Tableau de la cour de Napoléon, de son caractère et de celui de ses agents. 1814, 2 vol. 
2055 - Procès de Buonaparte. 1816.
2105 - Le Royaume de Westphalie, Jérôme Bonaparte, sa cour, ses favoris et ses ministres. Par un témoin occulaire. 1820.
2335 - Histoire de Bonaparte depuis sa naissance jusqu'à ce jour. 1816 2 vol.
2348 - Napoléon Bonaparte. recueil de pièces sur la mort de — . 2 vol.


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LES BOURBONS, POUR OU CONTRE :
944 - Le Parc aux cerfs, ou Histoire secrète des jeunes demoiselles qui y ont été renfermées. 4 vol.
1303 -Bibliothèque royaliste, ou recueil de matériaux pour servir à l'histoire de la restauration de la maison de Bourbon en France... 3 vol.
1371 - La drapeau blanc (journal) 2 vol.
1638 -Histoire du procès de Louvel, assassin du duc de Berry. 2 vol. 
1838 - Mémoires historiques sur Louis XVI. 1817
1871 - La monarchie française depuis le retour de la maison de Bourbon jusqu'au premier avril 1815. 
2356 - Recueil de pièces sur la famille royale.



STYLE TROUBADOUR et RETOUR DU MOYEN-AGE :
83 - Les amours du Chevalier Bayard. 2 vol. 
111 - Artus de Bretagne
155 - Batilde reine des Francs, roman.
660- Isaure ou le château de Montane. 3 vol.
1653 - Histoire littéraire des Troubadours. 3 vol. 
2103 - Roland, poème par Creuzé de Lesser (préfet de l'Hérault). 1815. 2 vol. 
2133 - La Table ronde par Creuzé de Lesser (préfet de l'Hérault). 1814 




HISTOIRE MODERNE
718 - Lanski, ou Une victime des troubles d'Avignon en 1815. 2 vol.
1209 - Vie et fin déplorable de Madame de Budoy trouvée en janvier 1814 entièrement nue et vivante . 2 vol.
1538 - Fualdez, recueil sur l'affaire. 2 vol. 
1956 - Oeuvres de Mirabeau... 1819, 2 vol.
2003 - Des Pairs de France et de l'ancienne constitution française. 1816.
2012 - Les Partis, esquisse morale et politique, ou Les aventures de Sir Charles CREDULOUS à Paris pendant l'hiver 1817.  (??)
2044 - Précis historique de la guerre d'Espagne et de Portugal de 1808 à 1814. 1815. 
2057 - Projet de la proposition d'accusation contre le duc de Cazes, à soumettre à la Chambre de 1820. Par Clausel de Coussergues.
2198 - Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français de 1792 à 1815. 27 volumes 
2204  Vie de Lannes.
2334 - Histoire complète du procès du maréchal Ney. 1815. 2 vol.
2352 - Pichegru et Moreau.
2354 - Recueil de pièces sur la liberté de la presse. 2 vol.
2355 - Recueil de pièces sur les Protestants.
2452 - Le captif de Valence, ou les derniers moments de Pie VI. 2 vol.


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12 janvier 2013

L'art du contretemps. DEPARTS, journal des normaliens de Nîmes, sort son N° 1 en juin 1939 sous l'égide du pacifiste Romain Rolland


DEPARTS, revue de l'ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS DE NIMES

Je continue mon recensement des revues languedociennes.
En attendant de m'attaquer à un plus gros morceau, voici ma dernière trouvaille, achetée ce matin. 

DEPARTS
REVUE DES JEUNES - FONDEE PAR LES CONQUISTADORES
ECOLE NORMALE DE NÎMES 
N° 1, Juin 1939;
28 cm, 12 pages
Gérant : M. Pevel. Imprimeur : Marcel Gueidan, Nîmes. 
La couverture porte une phrase de Romain Rolland :  "Ce n'est pas rien, d'avoir vingt ans et de partir à la chasse des secondes d'éternité. ". La page 1 porte un message du même acceptant de parrainer la revue.

Editorial de L. TRICHAUD : "Notre revue sera notre vie".
L'éditorial, signé L. TRICHAUD, ressasse une seule idée, respectable mais limitée : Nous avons 20 ans, nous aimons la vie, et celle-ci est devant nous. Luttons pour notre idéal. Or, quel est cet idéal, nous ne le saurons jamais.
Aucune trace de l'actualité brulante : la guerre sera officiellement déclarée le 3 septembre 1939.
Le parrainage de Romain Rolland mériterait au moins une allusion à cette guerre, et aux différentes options qu'elle offre : engagement, pacifisme, etc...  Rien de tout ça.
Est-ce que ces jeunes n'avaient aucun idéal? Est-ce au contraire qu'ils en avaient trop, certains à droite, d'autres à gauche, d'autres, comme Rolland "Au dessus de la mélée", cette diversité entrainant ces normaliens vers un degré zéro?
Nous ne le saurons sans doute jamais.
Aucun des participants identifiés n'a laissé d'oeuvre littéraire postérieure identifiable. Citons les :  L. TRICHAUD , A. GUERIN, G. RAYMOND, ROVER (?) , S. FIESCHI.
A moins que les pseudonymes de  LU, de RAFAELO, d'EKO cachent des talents futurs. Mais le seul article qui fasse un peu sourire est celui de Rafaelo sur LE STOMA. Voir ci dessous.

LA LITTERATURE A L'ESTOMAC
Quelle idée, pour des élèves instituteurs de sortir le N°1 d'une revue à la veille des vacances scolaires, et à 3 mois d'une déclaration de guerre !!
Je suis sûr qu'il n'y a pas eu de N° 2 .

ERREUR !! 
UN LECTEUR QUE JE REMERCIE INFINIMENT M'ENVOIE LE MESSAGE SUIVANT : 
En réalité il existe au moins le numéro 2 de la revue publiée le 1er juillet 1939, avec la même couverture mais un liseré bleu. On y trouve une réponse à Giono de A. Guerin, Giono qui avait promis de collaborer à la revue mais qui est gêné par le parrainage de Romain Rolland qui n'est pas un pacifiste intransigeant 


Une affaire de viol à Montpellier en 1785 : une histoire éternelle : la victime coupable, les accusés rigolards. De l'utilité du factum pour retrouver la vie vraie des siècles passés.

FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785

1785, à Montpellier. Semaine du mardi-gras, mercredi des cendres. On s'amuse, on boit de la clairette, on danse. 
Quelques jours après, Marguerite CAVALIER, "qui a à peine atteint son adolescence", porte plainte pour  "VIOL DE PUDEUR". 
Les jeunes impliqués portent des noms de notables montpelliérains. Auzillion (marié, des enfants), Fajon, Astruc, Delon, Auguste Cambon, Ferrière, Allègre. Toutes ces patronymes se retrouveront un jour où l'autre sur les listes d'élus locaux ou nationaux. 
Marguerite Cavalier est apprentie couturière, ce qu'on nomme à Montpellier une "grisette". 

FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785


LES FAITS  : 
Le bal se déroule dans un local du centre ville (qui est curieusement nommé p. 15 : le Temple). Au fond, sur une estrade, l'orchestre. L'appartement est vaste, plus de 100 personnes y dansent à l'aise.
Au moment où l'on allait terminer les Bacchanales, un groupe de jeunes hommes incite les Demoiselles à sortir :  Allez vous en, retirez-vous, il ne fera pas bon ici pour vous autres. Nous allons éteindre les chandelles et faire la farce. Ce qu'ils disaient d'un ton à faire penser qu'il allait arriver quelque triste événement dont une fille devait être victime. 
A ce moment, les portes sont fermées, les chandelles du fond de la salle éteintes.
Et la fête commence....
Mlle Nougaret, une collègue d'atelier de Marguerite Cavalier déposera "qu'on lui avait seulement passé la main dans le sein, et même sous ses jupes et qu'on lui avait fait des attouchements".
Pour Marguerite CAVALIER,  "on lui a arraché avec violence les marques de la puberté" c'est à dire qu'on lui a arraché les poils du pubis et fouetté surtout certaines parties très sensibles.  On a porté des mains indiscrettes sur tous les endroits de son corps que les lois de la pudeur ne permettent ni de toucher ni d'exposer à la vue. 
Les libertins ont rassasié leur vue des objets que le sexe cache avec le plus de soin. 

Les faits sont attestés par des témoins : Joseph Mestre, Sébastien Lacombe et André Roux ont dit qu'on avait dépilé des filles dans le Bal et qu'on les avait fouettées. 
Autre témoin, Marie BERNARD, la maitresse couturière, à laquelle Marguerite Cavalier, en larmes, s'est confiée à la sortie du bal.
D'ailleurs, Il est public dans cette ville qu'une pareille aventure était arrivée une année auparavant. Les accusés et autres jeunes-gens de la ville en avaient été acteurs. On voulut la renouveler. La domestique de Me B... a été la victime de cette année-là.
A l'époque, personne n'a osé porter plainte. 


ATTITUDE DES ACCUSÉS : 
 Un de accusés d'abord se vante publiquement des faits et les renouvelle à l'instruction : "Quel délice, mon Dieu, que nous nous sommes bien amusés! Nous avons retenu deux filles, nous avons éteint les lumières, nous les avons fouettées, et leur avons arraché du poil.
Leur défense est de dire que c'est une tradition festive : La Jeunesse du bal était bruyante, elle était accoutumée à s'amuser de tout. C'est donc par amusement qu'ils ont commis un délit, ILS EN RIENT ENCORE. Lorsqu'ils seront punis, ils tourneront la punition en plaisanterie, elle leur fera passer un quart d'heure de récréation. 
 A ce jour, ils se sont bien amusés sur leur crime. On entend dans toutes les rues les rires immodérés qu'ils font éclater
Auzillon essaye d'acheter le silence de la victime : Le sieur Auzillion , en lui présentant son or : Tiens, voilà pour ton foutu poil. 

FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785


LA CONTRE ATTAQUE DES INCULPÉS : 
Vos écrits sont remplis de récits obscènes. 
L'exposante cherche à faire fortune : c'est des dommages qu'elle réclame.
D'ailleurs, elle l'a cherché : Pourquoi donc aller au bal puisqu'elle ne savait point danser? ELLE S'EST EXPOSÉE AU DANGER ; ELLE L'A RECHERCHÉ.  

 CONTESTATION DES FAITS : 
Il n'y a pas eu de vérification. Le corps du délit n'est point constaté.


LA PLAINTE et L'OPINION PUBLIQUE SE RETOURNE CONTRE LA PLAIGNANTE : 
Je cite textuellement le factum (comme tout ce qui est en italique gras) : 
Une fille à qui on a fait un affront est souillée d'une espèce d'infamie; au fond du coeur on lui rend justice; mais ceux qui la plaignent le plus la méprisent. 
Lorsque la Demoiselle Cavalier résolut de porter plainte.. personne ne voulait prendre en main sa défense. Les accusés sont des gens bien respectables, toutes les bouches étaient muettes.  
 Son avocat (M. DE SEURAT, qui rédige ce factum), confesse même qu'il a fortement hésité : Il s'est adressé au Pasteur de cette fille, à ses voisins, à ses connaissances. Ce n'est qu'après les éloges qu'on lui a fait de son honnêteté qu'il a pris sa défense. La moralité de la victime conditionne sa position même en tant que victime.
Avant de se résoudre (du moins pour l'une d'elle), à porter plainte, les victimes gardaient le plus profond silence, crainte que l'aventure ne circulat de bouche en bouche.

FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785

CONCLUSION : 
A travers un factum, on découvre une attitude constante face au viol dans les sociétés occidentales (chrétiennes? ) depuis des siècles. 

Je ne sais pas la décision des juges. 
Je ne sais pas ce qu'est devenue Marguerite Cavalier.