24 mars 2012

Marie PELLECHET, la madone des incunables : un portrait charge

            Marie PELLECHET est connue d'un petit nombre d'adeptes pour son CATALOGUE GENERAL DES INCUNABLES DES BIBLIOTHEQUES DE FRANCE.
            Elle est connue des bibliothécaires montpelliérains pour avoir légué (on ne sait pourquoi) à la Bibliothèque de Montpellier sa collection de 2500 volumes environ.
Elle était follement pasionnée par la photographie : histoire, technique, pratique. Ses clichés sont encore à découvrir. 
Jules TROUBAT (1836-1914) à l'époque de cette lettre, vers 1901

           En consultant les lettres de Jules TROUBAT à son frère Fernand, je suis tombé sur celle-ci qui n'a pas été publiée par Marcel Barral dans son 
Jules TROUBAT, dernier secrétaire de Sainte-Beuve : 
Lettres inédites à son père et à son frère de Montpellier  
(Montpellier, Entente bibliophile, 1991).
          Troubat était alors conservateur à la Bibliothèque Nationale.

Je transcris sans commentaire :
Lette de Jules Troubat sur Marie PELLECHET. 1901

Bibliothèque Nationale. Paris, le 15 mars 1901
                                 Mon cher frère
               Mlle Pellechet était une brave fille, très riche et très charitable, faisant le bien d'ailleurs sans ostentation, très simple, le train très modeste et extrêmement versée dans la connaissance des incunables. C'était chez elle une vocation, et elle a publié un catalogue à ses frais, dont le premier volume seul a paru, mais laissant les fonds nécessaires pour que ce travail soit continué. Elle avait l'amour de la science au plus haut degré, en même temps qu'elle était servie pour ses deux uniques passions, les incunables et la charité, par une grande fortune. Son père était architecte. Elle possédait le château de Coeur Volant à Luciennes (Louveciennes).

               Son coeur à elle était resté mort, et elle est morte en état d'innocence. Du reste, elle était fort laide, ou plutôt pas jolie du tout, et n'ayant rien, comme beaucoup de femmes savantes, qui donnât envie de lui manquer de respect.
               On n'a que du bien à en dire, et sa mémoire est tenue en honneur à la Bibliothèque Nationale. Je n'ai fait que l'entrevoir quelquefois. M. Léopold Deliste l'avait en très haute estime. Elle avait défendu les discours à son enterrement. C'est une biographie des plus simples, toute vouée au bien et à la connaissance approfondie des incunables.
               A la Bibliothèque Nationale, on a une vingtaine de fiches à son nom, relatives à divers écrits qui ont paru dans des revues savantes ou spéciales, tous relatifs aux incunables de villes de France, Dijon, etc...  les imprimeurs du Comtat Venaissin, etc. On pourrait les relever si tu voulais; seulement c'est un travail qui ne m'est pas commode à faire en bas dans l'hémicycle. Elle en faisait faire des tirages à part, mais elle ne tenait pas trop à ce qu'on les produise.
               J'ai sous les yeux le seul volume qui ait paru de son grand travail, et dont voici le titre :

Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-arts.
Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France, par M. Pellechet. 
Abans - Biblia
Paris, Alphonse Picard et fils, libraires... rue Bonaparte, 82. 
1897 - in 8°, 601 p. 
                    On devrait l'avoir à la Bibliothèque de Montpellier. Dis-le à Gaudin. C'est indispensable. Sur la couverture, on a indiqué, comme du même auteur, les titres des écrits dont les fiches sont à son nom à la Bibliothèque. Je te les copierai et te les enverrai demain matin.
                    Elle était officier d'Instruction publique et aurait voulu avoir le ruban rouge. On aurait bien pu le lui donner.

                       Ce volume est dédié "A la mémoire de mon père, Auguste Pellechet, dont la longue vie (1789-1874) donna constament l'exemple de l'amour du travail et de la plus haute probité."
                       C'est tout ce que je puis te dire sur cette estimable et très respectable personne, dont on ne peut nier la vocation.
                       J'ai reçu tes deux lettres... (etc..)
                                                                                               Jules Troubat

1 commentaire:

Jean-Paul Fontaine, dit Le Bibliophile Rhemus a dit…

Voir U. Baurmeister. Marie Pellechet ou l'"odyssée bibliothécaresque". In Bulletin du bibliophile. Paris, 2004, t.I, p.91-147.