8 décembre 2012

LE BULLETIN DE NARBONNE (1780-1782) : un curieux COURRIER INTERNATIONAL sur la GUERRE d'INDEPENDANCE des Etats-Unis d'Amérique

Bulletin de Narbonne 1780

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Il y a des revues si rares que personne ne semble les avoir vues.

C'est le cas du très étonnant BULLETIN DE NARBONNE.
Voici l'intégralité de ce qu'en dit l'imposant Dictionnaire encyclopédique de l'Aude, de Gérard Jean (Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne, 2010) :

Bulletin de Narbonne : Premier périodique audois, il paraît deux fois par semaine, de 1780 à 1782 et compte deux pages. Il ne donne aucune information locale, mais plutôt des nouvelles qu'il reçoit de différentes villes. Il propose même sur sa dernière page une énigme. Le périodique disparaît pour avoir contrevenu au monopole de La Gazette.

Un point c'est tout. Qui rédige ce bulletin, qui l'imprime, de quelle Gazette a-il piétiné les privilèges? On ne sait pas, mais on sait que les rédacteurs du Dictionnaire n'ont jamais vu le Bulletin de Narbonne.
       En 1980, Léon Bergon publie dans le savant Bulletin de la Commission archéologique et littéraire de Narbonne un Essai sur le Bulletin de Narbonne, périodique de la fin de l'Ancien Régime. Il précise travailler d'après le seul exemplaire conservé, celui des Archives départementales de l'Aude. L'article est un recueil d'extraits, c'est bien. Mais Bégon ne connaît ni le nom du rédacteur Marcorelles qui est pourtant cité souvent dans la revue, ni celui de l'éditeur - imprimeur, Jean Besse, qui signe la plupart des numéros. Par contre, lorsqu'il dit que le directeur du Bulletin se nomme Décampe…, on se demande quelles sont ses sources, ce nom n'apparaît jamais dans le Bulletin. Certaines notices bibliographiques sont bien mystérieuses!

Et pourtant, dans notre exemplaire, l'éditeur a pris soin, à posteriori, de relier des collections complètes avec une page de titre on ne peut plus pédagogique :

Bulletin ou Gazette de Narbonne par M. de Marcorelles


Bulletins,
ou
Gazettes
de Narbonne,
depuis et compris le 18 août 1780, jusques
 et inclus le 26 septembre 1782
par M. de MARCORELLE, baron d'Escale, de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Toulouse; ancien secrétaire de cette Société; correspondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, de la Société Royale de Médecine de France; de la Société Royale des Arts de Londres, du Musée Toulousain, etc… etc…
A Narbonne
de l'Imprimerie de J. Besse, imprimeur du Roi et des Etats de Languedoc.

Et  Jean Besse nous donne à la suite le portrait de Jean-François de Marcorelle, dessiné par M. Bourgoin et gravé par L. Lempereur, poussant la gentillesse jusqu'à nous en décrire les accessoires

Jean-François de Marcorelles (ou Marcorelle) d'Escales


D'un côté sont des coquilles, des madrépores; de l'autre, sur un rocher où l'on aperçoit l'entrée d'une grotte, est un aigle fortement gravé, dont une aile est cachée, et dont l'autre est déployée. Au bas, et vers le milieu, l'on voit un tas de médailles antiques, parmi lesquelles on distingue celle de Marcus Aurelius Augustus.
C'est tout un programme qui résume la vie de ce féru de conchyliologie, et digne descendant de l'empereur Marc-Aurelle, comme son nom en témoigne. On hésite pourtant à savoir à laquelle de ses publications la grotte fait référence. Est-ce à son Mémoire sur le Fromage de Roquefort ou à ses Détails de l'accident funeste arrivé dans une fosse d'aisance de la ville de Narbonne, les 16 avril 1779
 Il y a grotte et grotte, il ne faut pas mélanger les fosses et les caves, même si l'odeur les réunit.

Bref, nous savons déjà pas mal de choses sur Marcorelle d'Escales.  Surtout si on ajoute qu'Escales est une commune près de Lézignan-Corbières, qu'en avril 1781, le baron d'Escales part en voyage et quitte donc la rédaction, mais qu'il la reprend le 25 novembre 1781, qu'en août 1782, il a été assez malade pour qu'une admiratrice se réjouisse de son rétablissement :
Il vit, l'Illustre Marcorelle
Ah! Puisse-t-il vivre toujours;
Il vit, et la Parque cruelle
N'a pu couper la trame de ses jours!

Nous savons par ailleurs que la Parque réussira son coup en 1787.
Nous ne savons rien par contre des comparses du Bulletin. Rien sur ce Raoux qui fournit la devise
Je n'aime que la vérité
Je plaide pour l'humanité.
Rien de cette famille Claverie, un abbé et ses deux nièces, sur l'architecte Figeac, sur Gastinel, professeur d'éloquence, sur ces Gousty, Postic, Janot, et autres Castans  qui monopolisent le courrier de leurs panégyriques croisés.
A peine plus de Cailhava, gendarme du roi, mais surtout rimailleur occitan qui envoie des vers dans cette langue au rédacteur, qui, lui, loin de connoître et parler toutes les langues, tous les idiomes , (il ne connaît même pas le parler de Narbonne) accepte pourtant, pour répondre de bégayer quelques mots patois.
Nous pouvons toutefois supposer, que, lors des absences  du "patron", c'est l'imprimeur Jean Besse qui reprend la rédaction : il se contente d'aligner les dépêches de l'étranger, quelques recettes médicales, et les fameux logogriphes des lecteurs, sans commentaire.
Tiens, nous voici arrivés en pleine analyse du contenu du Bulletin.
C'est quand même ça l'essentiel :  il ne suffit pas d'être rare pour être intéressant.
Qu'est-ce qui a piqué ce petit seigneur rousseauiste pour qu'il lance une revue qui ressemble plus au Courrier international qu'à une gazette provinciale? 

Bulletin de Narbonne (Aude) 1780
  

Le BULLETIN DE NARBONNE  est en effet presque exclusivement consacré à la guerre d'indépendance des Etats-Unis, vu sous son aspect européen et naval entre la France et l'Angleterre,  l'épicentre des opérations se situant à Cadix.
En effet, les énigmes et logogriphes d'une part, la rubrique de médecine pratique de l'autre ne sont là,  et c'est dit explicitement, que pour attirer des lecteurs.
Les nouvelles locales sont, elles, pratiquement inexistantes, et, de toutes façons, sans intérêt.
Qu'est-ce qu'un logogriphe, me direz vous? Eh bien, un logogriphe est une énigme où l'on donne à deviner un mot à partir d'autres, composés des mêmes lettres. Un logogriphe est présenté comme un animal, possédant des pieds, une tête, un coeur et une  queue :
Les pieds sont les lettres qui composent le mot à trouver. La tête est la première lettre de ce mot. Le cœur est la lettre centrale. La queue est la dernière lettre :
Sur mes quatre pieds
Je suis d'un animal, le petit
Si vous me décapitez
Aussitôt je me liquéfie
Solution: Veau (eau)

Logogriphe en forme de Calligramme

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Mais, globalement,  les 80% de la revue sont consacrés à la publication de correspondances reçues de Cadix, ou d'articles de gazettes espagnoles. 
Même la rubrique des "Petites annonces" reste lamentablement vide.
Y a-t-il, à cette époque, dans une autre ville française, une seule Gazette consacrée à la politique étrangère?  Pas évident !
A noter qu'il y a même des nouvelles sur le Ramadan à Constantinople.
Le petit relevé des sommaires qui clôturera cette notule ne rendra donc compte que des nouvelles ne portant pas sur la guerre.
En fait, ces Bulletins nous apprennent, à nous, bien peu de choses sur la guerre des Amériques. 



Mais ils nous apprennent pas mal sur la curiosité et la convivialité d'une petite ville de Province à la veille de la Révolution.
A Narbonne, l'homme fort, c'est Mgr Dillon, archevêque de Narbonne (sans doute le plus riche archevêché de France) qui est aussi Président de droit des Etats généraux de Languedoc.
Autour de lui, des foules d'abbés, de chanoines, de fonctionnaires et de nobliots. C'est cette population qui compose le lectorat, volontiers interactif, des Bulletins.
Tous ces gens sont des citoyens éclairés, qui s'intéressent à l'histoire du monde et soutiennent l'indépendance et la future démocratie américaine.
Ils sont, en général, plus rousseauistes que voltairiens.  Ils sont aussi passionnés de sciences naturelles et se situent volontiers dans la continuité du  courant agronomiste.
Modernes et éclairés, ils s'abstiennent de parler occitan, patois… Certains, comme Marcorelle  lui-même, prétendent ne pas le connaître du tout.
Or,  Jean-François Marcorelle, baron d'Escales est  né à Escales près de Lézignan-Corbières, dans l'Aude.  Comment aurait-il échappé à l'immersion linguistique occitane? Lui qui se veut seigneur bienfaisant , proche de ses sujets.  Il a construit une fontaine dans son village.  Il en déplace le cimetière pour plus de salubrité. A Narbonne, témoin de deux morts accidentelles dues aux fosses d'aisances, il écrit  : Détails de l'accident funeste arrivé dans une fosse d'aisance de la ville de Narbonne, les 16 avril 1779... et l'avis de M. de Réaumur pour les secours à donner aux noyés .
Il se pique de météorologie. Pendant ses études à Toulouse, il a calligraphié un beau manuscrit d' Observations météorologiques faites à Toulouse pendant l'année 1749, L'auteur a consigné précipitations, températures et pressions en indiquant les effets du climat sur les céréales, légumes, fruits, le vin, les abeilles, vers à soie et les maladies humaines. Quarante ans plus tard, c'est un Mémoire sur une trombe de terre qui parut sur Escales  le 15 juin 1785.
Entre ces propos sur le climat, il a publié en 1760 un Mémoire sur le Fromage de Roquefort qui sera curieusement édité dans la série des Mémoires de Mathématiques et de Physique de l'Académie Royale des Sciences.
 





DESCRIPTION MATERIELLE  :
Chaque Bulletin  a 2 pages, sauf les n° 26 (1780), 1 (1781),  1 (1782) qui en ont 4.
24 cm. , soit un format de reliure in quarto.
 Il y a 31 numéros pour 1780, 104 pour 1781 et  77 en 1782, soit  212 numéros en tout . Ce n'est qu'à partir du N°7 que les bulletins sont numérotés. Le  dernier N° est manuscrit.
Mon exemplaire porte une reliure en veau, d'époque, assez fatiguée. 

 QUELQUES CONTENUS REMARQUABLES :
Le N°4 comprend une nouvelle narbonnaise (nomination d'un professeur), pour la 1ère fois.
Le N° 5 fait part de nouvelles expériences scientifiques transmises à M. Marcorelle.  Remède contre fièvres.  Termine par une énigme (le mot est donné au n°6).
le N°VII porte, pour la 1ère fois le nom de l'imprimeur et remplit recto verso le feuillet.  Le remède ayant été du "gout de nos lecteurs", en voici d'autres.  In fine : Logogriphe.
N° XI : Les vers, énigmes et logogriphes sont reçus chez Besse.
XII  : Exergue permanent : Je n'aime que la vérité / Je plaide pour l'humanité / Raoulx. (qui signe le 1er quatrain d'éloge de Marcorelle. De la doctrine chrétienne). Logogriphe de M. Figeac, architecte à Narbonne (et n° VIII, 28 1 1781) .
XV Polémique (suivie) contre les cloches de St Sébastien de Narbonne qui provoque des maux d'oreilles
XVII Abonnements à 12 sous par mois, ou 2 sous le bulletin qui paraitra tous les lundis et vendredis.
XXII Vers de M. Gastinel, professeur d'éloquence, Narbonne
XXIII Nouvelles du Ramazan (ramadan) à Constantinople.
XXV Le Bulletin reçoit les annonces payantes (ventes, fermes, louages)
XXVI La feuille passe (exceptionnellement) à  2 f°, 4 p.
XXVII Hostalot, notaire royal
XXX Castans, voir son panégyrique !!  Idem abbé Claverie, n° XXXI de 1780. Ces éloges deviennent un jeu :  Fournier n°1,  Mlle Claverie, n° 2,  Gousty, n°5 , Postic, 6 ;  Janot, n° 10, etc…
I, 1 janv.. 1781. La numérotation discontinue. 4p. , bandeau gravé sur bois  par Brunet repris le 3 janv. 1782 , pour une reliure annuelle.  Publicité, réclame pour Besse, libraire.
III, Vers de Mr Cailhava, en occitan   (Noter : la graphie  trouvax pour trouvatz) sous le pseud (dévoilé) de Guillat, Me charbonnier.  LE REDACTEUR BEGAYE QUELQUES MOTS PATOIS EN REPONSE.  Autre texte personnel dans n° VI : retour d'Escalle, près de chez Marcorelle. Il s'agit du frère de Calhava, l'écrivain.
VI Inondation de Narbonne à la une (11 janvier 1781)
IX Ode à Mgr Dillon par M. Simon, écolier de rhétorique.
XI Noyé sauvé à Narbonne
XV Première petite annoncepour une  vente
XVIII et  quelques suivants : sur papier bleuté.
XVIII Curieuse anecdote à propos d'un cousin de JJ Rousseau, né à Ispahan.
XIX Création d'une Académie à Narbonne (Marquis de Chef de Bien Saint Amans)
XXVII Publicité pour des tissus
XXIX, le 2 avril 81, tremblement de terre à Nîmes
XXX, Dernière feuille rédigée par Marcorelles qui part en voyage. Il est remplacé, on ne sait par qui.  A partir de là, beaucoup moins de fantaisie !! : guerre, médecine quand on peut, logogriphe.
 LIIX Encore une lettre de Rousseau, "illustre auteur qui, par ses écrits immortels a tant éclairé les arts, l'éducation, même la liberté et si fort contribué à tourner son siècle du côté de l'utile"
LXXXIII Publicité pour l'Anisette Gasc
XCIV  et suivantes "Cette feuille est toute de l'ancien rédacteur"  Qu'est-ce que ça veut dire?  Que Marcorelle est revenu? Oui, il y a plus de fantaisie et de nouvelles locales, ou de lettres de lecteurs.
XIV 17 02 82  Encart : Chanson sur la prise de Mahon. Avec même bandeau que ceux de début d'année. , 1f°
XXIII , publicité pour un Mémoire … pour neutraliser les fosses d'aisances… par Marcorelle, chez Besse à Narbonne
XXVII Abonnement annuel 7 livres 4 sols
XXX Une énigme typographiée en "calligramme".
XXXVII Acrostiche sur le nom de Marcorelle, par l'abbé de Claverie
LXVIII Lettre d'une "jeune, belle et vertueuse dame (Mme de B)  et de son digne, respectable et savant oncle (abbé de C.) " AU SUJET DU RETABLISSEMENT DE LA SANTE DE MARCORELLE :  "Il vit, et la Parque cruelle // N'a pu couper la trame de ses jours
LXXVII 26 sept 1782 Numéro manuscrit . In fine : "Nota : des raisons qu'il seroit inutile de déduire icy ont empêché l'impression et la publication de ce bulletin. C'est pourquoi on ne le donne que manuscrit et imparfait".









9 novembre 2012

1625 : Rome s'inquiète des Protestants du Languedoc et des Cévennes. Récit d'un voyage sans pittoresque.

François VERON: Voyage missionnaire en Languedoc et Cévennes en 1625
            Voici une petite brochure imprimée à Rome en 1625 par Lodovico Grignani. Elle a 8 pages, et est en fait un abrégé (orienté) d'un texte de 32 pages publié la même année à Paris sous le titre : Relation du voyage au Languedoc du P. Véron envoyé du Roy pour la réduction des dévoyés, ou combats victorieux pour la religion catholique contre les ministres de Nismes, Montpelier, Béziers, Alès. 
Breve relatione del viaggio del P. Verone in Languedoc e nelle Sevenes

          Son auteur n'est pas n'importe qui!
          François Véron a 50 ans. Il est devenu jésuite en 1595, à 20 ans. A cette époque, la Ligue venait de perdre la guerre contre Henri IV qui préparait l'Edit de Nantes de 1598. La guerre prenait une autre forme, l'heure était au polémistes. Véron serait donc "le" polémiste des jésuites. En 1620, la situation politique change. Le duc de Luynes, favori plutôt accommodant avec les Protestants, est remplacé auprès de Louis XIII par Richelieu, beaucoup plus belliciste. Montpellier sera assiégé en 1622, La Rochelle prise en 1628. La Paix d'Alès de 1629 organise couci-couça une paix précaire.
          Le fait est qu'à partir de 1620, le roi ferraille contre les Protestants : François Véron quitte donc les jésuites, et devient Prédicateur du roi pour la polémique et parcours la France. En 1638, il prend une semi- retraite en devenant curé de Charenton, une des places fortes du protestantisme.
          Il est l'auteur d'une centaine de publications, dont un Abrégé de l'art et méthode nouvelle de bailloner les ministres de France... qui est justement (ce n'est bien sûr pas un hasard) reédité à Montpellier cette même année 1625. Ce manuel du polémiste du P. Véron est connu à l'époque sous le nom de Véronique (si, si, comme la passe des toreros). 
          L'étonnant c'est pourtant que cette brochure soit traduite en italien et imprimée à Rome.
          Quel improbable lecteur de ce blog saura me dire si, avant la Guerre des Camisards (1702-1710 dates larges) on a publié à Rome d'autres textes sur les Cévennes?

Breve / relatione / del viaggio del P. Verone/ in Languedoc, & nelle Sevenes, man / datovi dal Rè Christianissimo per / la conversione de gli heretici.
Conferenze con ministri.
Conversione alla fede Cattolica delli baroni del Pouget, / Vendemian, &c. e d'altre persone principali, e altre / utilità di questo viaggio.
La Congregatione de Missionari, ò della Propagatione de la / Fede, fondata da i Stati generali di Languedoc; e propo / sitione di instituire una generale per tutta la Francia.
A l'Illustrissimo Cardinale Barbarino, nepote di Sua / Santità, Legato apostolico in Francia.
Per Francesco Verone, Predicatore del Rè per / le controverse, e dottore in teologia.
Ce qui se traduit en
Brève relation du voyage du P. Véron en Languedoc et dans les Cévennes, envoyé par le Roi très-chrétien pour la conversion des hérétiques. / Conférences avec des ministres [protestants] / Conversion à la foi catholique des barons du Pouget, Vendémian etc, et d'autres personnes principales et autres utilités de ce voyage. / La Congrégation des Missionnaires, ou de la Propagation de la foi, fondée par les Etats généraux de Languedoc, et proposition d'en instituer une générale pour toute la France. 

            Ce qui frappe à la lecture du texte, c'est son absence absolue de couleur locale. Aucun pittoresque, aucune anecdote, rien. La scène se passe n'importe où... 
Seuls quelques personnages émergent, ministres protestants en tête : 
Ministres protestants du Languedoc et des Cévennes combattus par François Véron en 1625
          Il y a là Jean Bansillon d'Aigues-Mortes, Jean Faucher de Nîmes, Jean de Croy de Béziers, Michel Le Faucheur, Daniel Pérols, Védrines et Delard de Montpellier, Courant et Desmarets d'Alès, Léonard Second de Vendémian (et Cournonterral), La Faye de Gignac, Chauve de Sommières et Hospitalis de Montagnac. Tout un synode! 

          Mais en l'absence totale de pittoresque, il nous reste quelques perles à ramasser sur les pas de Véron : 

            Ritornando carico di ricche spoglie de' nemici ... (Revenant chargé des riches dépouilles des ennemis de l'Eglise catholique)  : le premier mot est un cri de victoire. 
            Una conversione generale che si potria securamente sperare frà pochi anni de tutti gli heretici di Francia... (Une conversion générale qu'on peut surement espérer d'ici quelques années de tous les hérétiques de France...) : Cette conversion générale est le but exclusif recherché par les deux religions en présence. Pour les Protestants comme pour les Catholiques, il s'agit bel et bien de faire disparaître l'autre, de le tuer. Un roi, une loi, une foi : l'adage a été mis en oeuvre par les Protestants en Angleterre et dans les états d'Allemagne, par les Catholiques en Espagne et Italie. La France, elle, balance toujours. Bien sûr, les Catholiques ont une longueur d'avance. Mais l'Edit de Nantes tolère le bi-partisme religieux, et Henri IV, roi de droit, a dû se convertir pour devenir roi de fait. En le révocant, Louis XIV fera un pas de clerc qui relancera les guerres.
Méthode de conversion des Protestants
           Pericolosi e vari sono stati i combattimenti.  Il y a deux traductions possibles : à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, mais aussi : tout danger mérite salaire

           Quanto al politico, attaccai in Alès capitale delle Sevenne, Montpelier, Beziers, Aigues-Mortes, Gignac, e per tutto la Provincia, i pastori d'errore nel mezzo de i loro Tempi, in presenza di tutti i loro seguaci... (Quant au politique, j'attaquais à Alès en Cévennes, Montpelier, Béziers, Aigues-Mortes, Gignac et par toute la province, les pasteurs d'erreur au milieu de leurs temples, en présence de tous leurs fidèles...)
           Notons d'abord deux orthographes précieuses. Véron écrit Alès et non Alais. Il écrit aussi Montpelier, qui se prononce Montpeulier, et non Montpellier qui se prononcerait Montpélier. Il témoigne ainsi de la prononciation locale, qui a perduré, malgré 'orthographe jusqu'à aujourd'hui. 
           Cette parenthèse fermée, il reste à imaginer Véron au milieu du temple protestant défiant le ministre et ses ouailles. 

           Stava qualche volta attentissimo il popolo à questo sfido; altre volte mormorava : à quanti pericoli mi sono esposto! (Le peuple était quelques fois très attentif à ce défi; d'autres fois il murmurait : à quels dangers ne me suis-je pas exposé!). Là aussi on voit très bien la scène. 

           ... Rifiutando la predica del loro ministro, in un Teatro, che io faceva drizzare alla porta dei tempi, mentre ch'il falso pastore faceva la sua buggiarda predica. (... réfutant le prêche du ministre, sur un theâtre que je faisais dresser à la porte du temple, pendant que le faux pasteur faisait son abominable prédication). Voici donc l'apparition du théâtre! Comme tous les Jésuites, Véron adore et utilise le théâtre. Les trétaux sont dressés sur la place du village.

          Predicavo in questo Teatro due hore, più meno (Je prêchais sur ce théâtre environ deux heures).

           I ministri... havevano falsificato la Scittura sacra, mutando, scancellando, aggiongendo... E dimostrava questo per l'oppositione di 12 Bibie, ò mutate, ò falsificate in diversi anni, prese dalle mani degli Hugonotti dei luoghi ove predicava (Les ministres avaient falsifié l'Ecriture sainte, changeant, effaçant, ajoutant... Et je démontrais cela par l'opposition de 12 Bibles, ou modifiées ou falsifiées au cours des ans, prises entre les mains des Huguenots des lieux où je prêchais.) Spectacle de camelot de foire : Véron demande leurs Bibles aux réformés qui sortent du prêche. On le voit ensuite littéralement jongler avec elles. Du grand art! 
Conversion massive des Protestants ou vantardise du Missionnaire?
          Oltre questi esserciti, e sfidi così publici, feci spargere per tutta la Provincia doi ò tre mila di questi cartelli di sfido, o thesi, e mandai un messaggero in tutte le città, e luoghi principali, per significare à tutti i ministri, in particolare per atto publico di notaro, in presenza di buon numero di Cattolici & heretici lo sfido mio... (Outre ces exercices et défis ainsi publics, je fis distribuer dans toute la province deux ou trois mille cartels de défi, ou thèses, et j'envoyais un messager dans toutes les villes et lieux principaux, pour signifier non défi à tous les ministres en particulier par acte public de notaire, en présence d'un grand nombre de Catholiques et d'hérétiques ...) Texte précieux qui rassemble tous les éléments en une phrase. D'abord, le rôle de l'imprimé (qu'on aimerait tant avoir, mais qui les aurait conservés?) : 2 ou 3000 cartels de défi distribués comme des tracts, ça doit faire sensation. Ensuite l'usage de l'acte notarié, le sacro-saint témoin de l'époque. Enfin, la nécessité de la foule, Catholiques et hérétiques mélés.

          La più numerosa parte de' ministri se n'è fuggita con gran vergogna (la plus grande partie des ministres s'est enfuie avec grande honte). En fait, les synodes protestants, conscients que les Catholiques avaient des possibilités d'édition très supérieure aux leurs, conseillent très souvent aux ministres de refuser ces joutes oratoires, dont la seule version orthodoxe risque d'être publiée. 

          ... per lo spatio di nove mesi in Languedoc e nelle Sevenes (durant l'espace de neuf mois en Languedoc et dans les Cévennes). Pendant 9 mois, dans cet espace limité au Gard et à l'est de l'Hérault, Véron n'a pas du passer inaperçu! 

          Molte migliaia hanno conceputo grandi dubbi della loro fede, e inchinano molto à ritornare alla Chiesa santa (Plusieurs milliers (de Protestants) ont conçu de grands doutes sur leur foi, et inclinent fortement à retourner au sein de la sainte Eglise). Il est vrai que durant les années 1620-1680, les effectifs protestants diminuent en France. Mais il faudra attendre (!) 1685 pour voir des "conversions" (!) par milliers.

           Tre altri baroni... alcuni Maestri de Compti in Montpelier... quasi tutti gli offitiali regi di questa camera... quaranta famiglie in Nismes... vinti ministri... (Trois autres barons... quelques Maîtres de la Cour des Comptes de Montpellier... presque tous les officiers royaux de cette Chambre... quarante familles de Nîmes... vingt ministres... [se sont convertis]). Y avait-il des ratons-laveurs à cette époque dans le sud de France? 

            Vinti ministri sono risoluti di abjurare l'heresia, pure che si dia loro qualche pensione (Vingt ministres sont résolus à abjurer l'hérésie, pour peu qu'on leur donne quelque pension). Ce moyen de conversion a été très largement utilisé au XVIIe, et avec succès! 
Une Congrégation pour la Propagation de la Foi en France ?
           Le reste du texte réclame la fondation d'une Congrégation française de la Propagation de la foi, avec, bien sûr, ses supérieurs et son financement. 
           On parie que Véron est candidat!
           Il existe un exemplaire de cette brochure à la BNF.

3 novembre 2012

LE DEVOIR DU PEUPLE EST D'OBEIR ! CHAPTAL et son CATECHISME DES BONS PATRIOTES , Montpellier, 1790 :


Catéchisme des bons patriotes de Chaptal. 1790

Voici un livre qui n'est pas inconnu : 3 exemplaires sont recensés dans des bibliothèques publiques : Paris, Avignon et Montpellier.
C'est le
CATECHISME A L'USAGE DES BONS PATRIOTES,
par M. J.-A. CHAPTAL, Président du Club des Amis de la Constitution et de l'égalité de Montpellier.
Publié à Montpellier, chez Tournel, imprimeur du Club, M.DCC.XC.

Entre le titre et l'adresse, une devise, qui sera reprise en bandeau au début du texte :
LA NATION,
LA LOI
ET LE ROI.
Il s'agit d'une brochure in 12° de 90 pages, dont les cahiers B et D sont imprimés sur papier bleuté. 
Chaptal professeur de chimie à Montpellier

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En 1790, Jean-Antoine CHAPTAL est un jeune prodige (il est né en 1756). Docteur de la Faculté de médecine de Montpellier depuis 1777, sa réputation de chimiste est si bien établie à Paris que, pour l'attirer à Montpellier, les Etats de Languedoc créent pour lui en 1781 (il a 25 ans) une chaire de chimie à Montpellier.
Ses études de chimie appliquée à l'agriculture, et surtout à la viticulture et à l'œnologie l'amènent à proposer le sucrage des moûts, qui s'appelle désormais chaptalisation.
Anobli par Louis XVI en 1787, il sera aussi ministre de l'Intérieur sous le Consulat, sénateur et comte de Chanteloup sous l'Empire, pair de France, titre conservé sous la Restauration.
Industriel, il crée à Montpellier une des usines chimiques les plus importantes du Sud de la France.
En  mai 1790, il participe à la prise de la Citadelle de Montpellier, et crée la Société des Amis de la Constitution (sa noblesse ne date que de 3 ans). En 1793, il est arrêté à Paris pour fédéralisme, mais relâché aussitôt : c'est lui qui dirige la fabrication des poudres et salpêtre. Il est même nommé professeur à l'Ecole Polytechnique.
Georges Washington, son ami, le réclame plusieurs fois aux Etats-Unis. Il n'ira pas. Il meurt en 1832.
Qu'est-ce que Dieu?

Cet opuscule est le début de sa carrière politique. Sa faible diffusion, locale, est sans doute destinée à le faire élire administrateur de l'Hérault (objectif atteint en 1794).
Ce Catéchisme est une suite de questions-réponses.
La première, comme il se doit, est :
Qu'est-ce que Dieu?
Réponse : Dieu est le premier et le Souverain des êtres. Il a créé le ciel, la terre et tout ce qui existe dans cet Univers.
 La seconde question nous apprend que Dieu possède la toute puissance et la souveraine bonté.
Qu'il s'en contente et s'en réjouisse, c'est tout ce qu'on lui concède : Spinoza est passé par là, on n'entendra plus jamais parler de Dieu dans ce catéchisme.
Tout le reste du Catéchisme est un mélange de projet de Constitution et de traité d'économie politique, fortement influencé par les thèses agronomistes.
Voici quelques extraits des passages les plus riches et les plus savoureux :
La reproduction est une des fins de l'homme : "Le plaisir attaché à cette fonction, dans toutes les classes d'individus, invite  tous les êtres à se reproduire (p.11).
Pays et coutumes : Les hommes qui habitent ce globe sont tous frères… Ils ne devroient donc faire qu'une grande société : mais la différence des climats apporte des modifications infinies dans le physique et le moral des individus. On a donc établi des sections qu'on a appelées ETATS.. (p. 14).
Les lois doivent varier selon le temps, les circonstances, les lieux (p. 15).
Révolution industrielle et Révolution politique : Le peu de prospérité de la France pendant les siècles qui nous ont précédé  est due au peu d'harmonie qui a régné entre les divers membres de l'Etat  (Clergé, noblesse et roture d'une part, industrie,  agriculture et commerce d'autre part)  (p. 17).
Deux cent familles qui entouroient le trône s'emparaient de tout l'or, de tous les emplois, de toutes les grâces (p. 18).
On nomme des citoyens recommandables par leurs talens et leurs vertus… C'est cette élite de citoyens qui constitue l'ASSEMBLEE NATIONALE (p. 23).
Le despotisme le plus odieux : Chaptal
Chaptal ne refuse pas d'entrer dans les petits détails :
Les livrées domestiques :
Demande : Mais du moins, un seigneur étoit bien libre de marquer ses serviteurs par sa livrée ?
R : Lorsque les terres n'étoient cultivées que par des serfs, les seigneurs leur attachoient le sceau de l'esclavage, en les marquant à leurs armes. Mais du moment que l'homme a été déclaré libre, il n'est plus permis de le flétrir en lui imposant les marques de la servitude (p. 25).
Il abolit aussi les droits de chasse et de pêche du seigneur : Ces animaux appartiennent à l'homme… Bien sûr, Si tout le monde peut chasser et pêcher..; Il est très vrai que le gibier disparoîtra de nos plaines … (mais) les bois, les montagnes en conserveront toujours… si on réprime le braconnage ! J'exclus la pêche par le poison (p. 28)
Biens du clergé : Lorsque la société a des besoins, elle peut et elle doit disposer des biens des individus qui la composent. Plus loin, à propos des propriétaires fonciers ou des industriels, Chaptal dira le contraire, leurs propriétés étant sous la sauvegarde de la Nation… Il est vrai qu'ici, il emploie un syllogisme assez sommaire : Ces biens ont été donnés à l'Eglise. La réunion des Français forme l'Eglise. Donc…!
Ainsi dégagés des soins des biens temporels, les ecclésiastiques auront plus de temps pour remplir leur vrai mission d'éducation et d'exemplarité. Il y a là un certain cynisme.
Pour la désignation des ecclésiastiques, le peuple rechercher les bonnes mœurs et surtout la tolérance, qui s'accorde si bien avec l'évangile (sans majuscule),  la raison et l'humanité (p. 32).
Savant et matérialiste (il est aussi franc-maçon), Chaptal définit ainsi le rôle des ecclésiastiques (qui ont dû, à cette lecture, avaler l'hostie de travers) : La connoissance de tout ce qui intéresse son état (et on voit bien Chaptal balayer ironiquement ces occupations sacerdotales d'un revers de main) est sans doute indispensable ; mais combien seroient précieux des hommes qui, revêtus de ce saint ministère, auroient des notions précises sur l'agriculture, la médecine, l'histoire naturelle! ILS ENTRETIENDROIENT L'ORDRE ET LA PAIX ET ENRICHIROIENT LES CAMPAGNES (p.32). C'est moi qui souligne).
L'impôt, proportionné à chacun, doit être consenti par chacun. Même les propriétés inutilisées doivent être taxées. Ne pas semer un champ, ne pas louer une maison est un tort fait à toute la nation, et, en plus de la contribution normale, une amende doit être perçue. (Ceci est toujours d'actualité en 2011).
La dernière moitié de la brochure peut se résumer au choix (élection censitaire) et au rôle des représentants du peuple.
Si le peuple trouve un homme vertueux et éclairé qui se plaise, depuis long-temps, à servir sa patrie par tous les moyens qu'il a en son pouvoir… voilà l'homme qu'il faut députer (p. 41).
Si un citoyen administre ses propres affaires avec succès.. celui-là est digne de la confiance publique ((p. 68).
Le mandat impératif est interdit car si les députés étoient astreints à se conformer aux volontés de leurs commettans… il suffiroit d'envoyer des cahiers.
Et si l'Assemblée prend des décrets injustes, le peuple doit commencer par se soumettre et obéir … car il vaut mieux souffrir pendant 6 mois, que de donner le signal de la désobéissance et de manquer de respect et de soumission à ses législateurs. LE DEVOIR DU PEUPLE EST D'OBEIR car les suites d'un moment d'insubordination sont incalculables  (p. 45).
In fine, apparaît la question essentielle :
D. SERONS-NOUS PLUS HEUREUX DANS CETTE CONSTITUTION?
R. SI NOUS NE L'ETIONS PAS, CE SEROIT NOTRE FAUTE (p. 73).
D. Que nous reste-il à faire pour affermir notre bonheur?
R. Ne point décrier les opérations de l'Assemblée Nationale, respecter nos représentans, se soumettre à leur décrets, ne pas soulever le peuple, ne point l'aigrir…
Si ça, c'est pas du bon esprit!
Le problème, c'est qu'en 1790, Chaptal considère que la Révolution est terminée et aboutie. Mais pour le "peuple aigri", elle ne fait que commencer.
Finalement, ce Catéchisme aurait fait un tabac sous la Monarchie bourgeoise de Juillet. Ah! quel malheur d'avoir 40 ans d'avance!
A Montpellier, Chaptal ne fut jamais élu député. 
Chaptal ministre

16 octobre 2012

Encore un imprimeur candidat aux élections de 1848 à Montpellier : Xavier JULLIEN, esprit confus s'il en est

Xavier JULLIEN imprimeur de Montpellier candidat en 1848


Un nouveau tract électoral pour une élection de 1848.
Elle est signée par Xavier JULLIEN qui l'imprime lui-même. En effet, Joseph Eloi Xavier Jullien  est imprimeur Place Louis XVI, (actuelle place du Marché aux fleurs, derrière la Préfecture de Montpellier). Il a remplacé Jean-Germain Tournel comme imprimeur en 1822.  Il meurt en 1859, et sa veuve lui succède à la tête de l'imprimerie.

Sa proclamation s'adresse à tous les électeurs de la France, ce qui est le signe d'un esprit large. 
Le problème, c'est que ce qu'annonce Jullien est incompréhensible. J'ai beau lire et relire, à part quelques barbarismes, des phrases bancales une ou 2 fautes d'orthographe, rien, je ne comprends rien.
Peut-on lire, en filigrane, une histoire personnelle dans les récits d'enfants malheureux du début? C'est possible.
Mais le morceau de choix, c'est ce qu'il demande aux grands hommes candidats. C'est en fait de décrocher la lune ou de tout faire sans aucun moyen. L'embêtant, c'est qu'il est impossible de dire s'il s'agit d'un passage ironique ou sérieux.
La dernière demande, sur la comparaison du temps de travail (peut-être du salaire) des ouvriers comparé à celui des paysans est énoncée de telle façon qu'il est impossible de deviner ce qui, dans l'esprit de Jullien, est bien et ce qui est mauvais.
Le charabia du dernier paragraphe, c'est du Comte de Champignac.
Le problème, c'est que tout ça a l'air clair comme de l'eau de roche et bigrement important pour Jullien.

Pour nous, l'important, c'est que sur 6 imprimeurs à Montpellier en 1848, deux sont candidats aux élections, ce qui donne pour la profession une proportion qu'aucune autre n'atteint, si haut placée soit-elle dans la hiérarchie sociale. 
Les imprimeurs se sentent décidément faire partie d'une aristocratie du peuple.

15 octobre 2012

BALIVERNES MERIDIONALES : une revue nulle et minable à Montpellier en 1867.


BALIVERNES MERIDIONALES, journa, Montpellier 1867



Voici la collection complète d'une revue née des réformes libérales de Napoléon III en 1867 :  
BALIVERNES MERIDIONALES.
Il n'y a eu que deux numéros.

Le directeur-gérant est un nommé BOURGADE, domicilié, comme le journal et comme L'Eclair (cf. ci-dessous) au 10 rue Fabre à Montpellier.
Toute la revue se limite à l'énoncé de ses bisbilles avec le directeur  du théâtre de Nîmes qui, semble-t-il, refuse de programmer une de ses pièces, "Lionel Richard". 
A la fin du 2ème numéro, Bourgade met de l'eau dans son vin en offrant gratis aux Directeurs de théâtre la représentation de sa pièce "susceptible d'un grand succès".
Balivernes méridionales

Ce BOURGADE est par ailleurs un petit peu connu sous son pseudonyme de CHEVALIER Charles DE MAUCOMBLE. Le Clerc, dictionnaire de biographies héraultaises, sous ma plume (comme quoi, on peut toujours s'améliorer) ne sait pas que ce titre ronflant est un pseudonyme. Mais il cite de lui : Mémoires d'un supplicié, une éducation (Montpellier, 1861). Ce petit livre est un livre atrabilaire de quelqu'un qui semble, à tous points de vue, avoir souffert de son éducation. Mis en pension par ses parents, il subit les brimades de ses compagnons et de ses professeurs. Mais la description des faits donne la féroce impression d'être en présence d'un paranoïaque délirant.
Je présenterai mieux ce livre (lu il y a trop longtemps) dès que je remettrai la main dessus.

Mais revenons aux BALIVERNES MERIDIONALES.
L'édito du n° 1 est un lamento sur la censure effective des imprimeurs. En effet, "même en payant d'avance" et malgré l'approbation de l'autorité, les imprimeurs sollicités, peu confiants dans la libéralisation du régime, ont refusé d'imprimer la revue.
Celle-ci paraît donc sous forme de manuscrit lithographié par N. Arles, de Montpellier.

La revue est associée au journal L'Eclair, un journal "méridional, littéraire, commercial, charivarique et financier" édité à Sète , et dont il ne paraîtra jamais que 10 numéro. C'est donc la charité qui s'appuie sur l'hôpital. Le second article est une apologie du même Eclair à l'intention des Nîmois, qui d'ailleurs n'en ont pas voulu, et qui a dû se réfugier à Sète ! Montpellier, où sont officiellement domiciliés les 2 feuilles, 10 rue Fabre (l'adresse de Bourgade) , ne semble pas plus accueillant.

Les pseudonymes sont impénétrables : Bradamanti, Tortillard, Roderic-Ribérac, Castille, Lebrun de Roquemaur. A moins que tous ces noms soient des masques de Bourgade, seul. 

Ce que confirmerait un appel in fine du N° 1  : "On demande des écrivains"!  Le besoin est évident !!
Le contenu de la revue est désespérément nul, uniquement préoccupé de  l'apologie de Bourgade et de ses œuvres.
Même les dessins sont nuls !

Rien à en tirer, mais la revue est rare ! On comprend pourquoi. Mal vendue, minable, sans contenu, on se demande pourquoi quelqu'un l'aurait conservée.
Si c'est pour autoriser de telles platitudes que l'Empire s'est libéralisé, c'est à décourager toute velléité révolutionnaire ! 

Il fallait pourtant en dire deux mots.