24 décembre 2011

Noël politique en 1815. Louis XVIII est-il vraiment un petit Jésus?

NOËL OCCITAN pour célébrer le retour des Bourbons, Narbonne, 1815.
C'est Noël.
En voici donc un, aux sous-entendus politiques clairs comme de l'eau de roche.
Ecrit après l'une des deux abdications de Napoléon (mais laquelle?) , il termine pourtant son faux-bourdon sur une fausse note qui fait beau couac !

Il a été publié en 1814 ou 1815 à Narbonne, chez A. Decampe, imprimeur.
4 pages, in 8°.
Il existe à la Bibliothèque de Toulouse un autre exemplaire de cette brochure.

Je vous laisse, bien sûr, lire l'original occitan de ce noël.
Je n'ajoute qu'un semblant de traduction et des bribes de commentaires.











NOUE PROUVENÇAOU
su l'air des Ouvergnas ou daou Martigaou

NOUE PROUVENÇAOU
su l'air des Ouvergnas ou daou Martigaou

           Un ange a porté la nouvelle / aux bergers  dessous leur abri / que d'une vierge sainte et belle / ce soir dans une maison pauvre / était né un fils charmant / qui vient pour être homme-Dieu. / Dansons, célébrons la naissance / d'Emmanuel le désiré. 

Un Angé a pourta la nouvéle
Ei bergié dessu lou coutaou,
Que d'une viergé sante et béle,
Anuè, dedins un paure  houstaou,
Ere nascut un charman fiéou,
Qué vén per sé faire homme-Diéou.
Dansén, célébrén la naïssance
d'Emanuel lou desira.

          Descend du ciel dessus la terre / pour faire cesser tous nos maux. / Porte la paix, plus jamais de guerre / tu rendras nos droits égaux. / Trois rois, venus pour l'adorer / nous l'ont tous bien assuré. / Dansons... 
         (Ces trois rois sont le Tsar, l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse. Ils ont dans leur hotte l'égalité, promise par la Révolution et que le petit peuple n'a pas vraiment vue venir, et surtout la fin de la guerre et son corollaire, l'abolition de la conscription. Le peuple veut bien changer l'empereur en roi, mais pas perdre ses droits.)


          Etant dans un affreux désordre / nous n'avions aucune ressource : / Nous ne pensions qu'à nous mordre  / entre nous comme des chiens. / Aujourd'hui nos jeunes gens / ne risquent plus la conscription. / Dansons... 

          Remercions sa bonté divine / car sans lui, tout était perdu / Cette année, on se cassait la gueule / si n'était pas vite descendu. / Portons-lui donc quelque cadeau / et pour lui et pour sa bergerie / Chantons...

         (Au lieu de parler de la Maison de Bourbon, voici une variante marie-antoinettesque : la  Bergerie de Bourbon.)

          Pour vos agneaux,pauvres bergers / pour votre chien, pour vous aussi / Il n'y a plus à craindre de désastre / Dieu vient d'enchaîner le loup. / De ne plus pouvoir s'échapper / il hurlera, mais ne mordra pas. / dansons... 

          (Ce loup, c'est bien sûr Napoléon. Le sens de la strophe change considérablement selon qu'elle est écrite en 1814 ou en 1815, c'est à dire pendant que Napoléon est à l'île d'Elbe ou à Sainte-Hélène.
L'ambiguïté reste entière puisque la dernière page porte, imprimée, la mention : Fait en 1814, corrigée à la plume à l'époque en : Fait en 1815. La présence physique des trois rois (à Paris) m'incite à penser que la vraie date de publication est 1815, la date imprimée étant alors une fanfaronnade : Je vous l'avais bien dit, dès 1814, moi qui ai toujours été contre ce satané usurpateur... La tournure "poudé pa plus s'escapa " suggère qu'il a bien pu déjà s'échapper une fois. Mais  ce n'est que mon opinion...)


          Votre bel enfant, Vierge Marie / que nous espérions tant / vient délivrer notre patrie / de l'empire de ce satan. / A sa tête de brigand / il mériterait d'être pendu. / Chantons... 
          (Pour ceux qui n'auraient pas compris, on en remet une couche : l'Empiré d'aquel satan. Aqueste còp, es clar ! )


          Le commerce, l'agriculture, / les arts, les gens, tout allait mourir / si Dieu, qui aime sa créature / n'avait muselé le lutin : / Autrement, il ne restait rien / pour qu'on se mette sous la dent. / Dansons...
          (Les rapports du petit peuple de France avec ses petits gouvernants, lutins ou nabots, reste à faire. Versons cette pièce au dossier. On savait que Napoléon était petit, mais en 1815, personne ne savait que Louis XVIII était podagre, comme en 1940 un américain sur deux ignorait que Roosevelt était paralysé. )


          Allons donc, allons rendre grâce / au Messie si désiré / Prosternons-nous devant sa face / puisqu'il veut bien tout pardonner. / Adorons ce fils de Dieu / C'est votre maître, le mien aussi. / Chantons...
         (Deux idées : l'amnistie pour les bonapartistes et l'unité nationale. On ne  sait plus si c'est Jésus ou Louis XVIII le Messie qui vient pardonner.)
Noël chez Decampe, imprimeur à Narbonne
         J'ai vu des gens de toutes sortes / courrir les grands chemins / Des abbés, des vieillards, des jeunes / des pénitents, des pélerins. / En allant voir ce petit enfant / chantons ensemble en faux-bourdons. / Dansons...
        (Ah! que ce faux-bourBon fait sens, comme diraient nos gendelettres!)




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